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Karlien, Experte Patient et soignante informelle, met en lumière les points douloureux des données médicales

Il y a des années, Karlien Hollanders se décrivait comme une accro au travail. Elle ne pensait pas non plus que cela changerait après son congé de maternité. « Trois mois de congé de maternité et puis retour au travail… C'était le plan. » Une maladie rare chez sa fille a changé son parcours professionnel. 

Lors de la conférence de nexuzhealth, l'événement de réseautage pour les clients de nexuzhealth, Karlien a témoigné du parcours semé d'embûches qu'elle a traversé avec sa fille Marie-Lynn et a fait part de son point de vue personnel. Aujourd'hui, Karlien, qui a raccroché sa blouse de pharmacienne, travaille comme consultante indépendante et met tout en œuvre pour aider les  prestataires de soins àparler le même langage et à partager les données de santé de manière correcte et sécurisée.

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Karlien Hollanders, Patient Expert

« Après une première carrière en tant que pharmacienne remplaçante, j'ai travaillé comme chef de produit dans une sociétéde logiciels qui commercialise des outils pour les pharmaciens. Je savais par expérience ce dont les  pharmaciens avaient besoin et j’ai contribué  à l’optimisation des logiciels. Je travaillais avec passion et durement. C'était également le plan après la naissance de ma fille », raconte Karlien. « Mais à peine deux mois après sa naissance, elle a contracté une insuffisance rénale. Aux urgences, cela n'a pas été immédiatement reconnu, car c'est très rare chez un bébé. Dans un autre hôpital, les médecins sont intervenus sur le champ. Il s’en est fallu de peu. »
 
« Une dialyse péritonéale a commencé le soir même. C’était  le début d'un parcours de trois ans de visites à l'hôpital. Finalement, Marie-Lynn a  bénéficié de deux ans de dialyse à Bruxelles. Six jours sur sept, nous étions à l'hôpital pendant une demi-journée. Le diagnostic ? Hyperoxalurie primaire de type 1, une maladie métabolique rare qui se caractérise par un excès d'acide oxalique dans l'organisme. Sachant qu'il faut en moyenne 4,7 ans pour diagnostiquer une maladie rare, cela relève d’ un exploit du médecin traitant de déterminer exactement ce dont souffrait Marie-Lynn. »
 

Transplantations et complications

Tout comme Karlien s’investissait dans son travail, elle se consacre, voilà maintenant neuf ans,  à obtenir les meilleurs soins pour Marie-Lynn. « Lorsque ma fille avait deux ans, elle avait déjà subi une transplantation hépatique et rénale. Aujourd'hui, après près de trente opérations et une série d'infections et de complications, nous avons été amenés à nous rendre dans cinq hôpitaux belges différents pour obtenir des soins spécialisés


En conséquence, j'ai dû vivre trois ans avec une allocation et parcourir le pays avec Marie-Lynn. Je dois m'estimer chanceuse d'être hautement qualifiée et bilingue, car la communication entre les différents prestataires de soins a souvent été rompue. Pour être honnête, il y aurait eu plusieurs erreurs médicales si je n'avais pas pu tout expliquer en deux langues ou vérifier les doses de médicaments. Mais je sais très bien que tout le monde n'a pas la chance d'avoir une formation médicale ou de pouvoir s'exprimer en deux langues. Il existe un dossier médical, mais il est loin d'être infaillible. La technologie est là, mais il y a encore beaucoup de travail… »

« Nous devrions vraiment pouvoir viser un dossier médical unique. »
Karlien
Karlien Hollanders

Experte Patient

Consultante pour le SPF Santé

En raison de la maladie rare dont souffre sa fille, Karlien s'est plongée dans tout ce qui concerne les logiciels hospitaliers, les expériences des patients et l'échange de données médicales. Aujourd'hui, elle travaille comme Experte Patient indépendante, notamment pour deux projets du SPF Santé. « J'ai construit un beau réseau et je veux aider à explorer comment partager des informations cruciales. Il existe de nombreux silos de données, mais ils doivent être mieux alignés. Nous devons véritablement nous efforcer à obtenir un dossier médical unique. Aujourd'hui, il existe une multitude de plateformes de santé différentes. Pensez à CoZo, Vitalink, MaSanté.be, Helena… mais aucune d'entre elles ne contient toutes vos données de santé. Et les patients ont encore leurs propres dispositifs portables qui stockent des données sur l'appareil ou dans le cloud. Ce sont trop de sources. De plus, en tant que patient, vous ne trouvez nulle part ce que votre médecin généraliste note dans son logiciel. En résumé : il y a beaucoup de données, mais il en manque aussi beaucoup. »

Absence de vue d'ensemble

« De nombreuses instances veulent aujourd'hui faire de  la prévention, mais c’est loin d’être le cas, car toutes les données ne sont pas saisies. Vous devez d'abord avoir une vue d'ensemble. Sinon, vous tirez de mauvaises conclusions  dans votre politique de prévention. Il est très ambitieux d’attirer l’attention sur la gestion des populations et d'utiliser l'IA pour rechercher des relations, mais nous devons d'abord disposer d'un ensemble complet de données. 

Pour citerun autre exemple avec Marie-Lynn : aucun spécialiste ne sait où elle a été en consultation. Si vous vous connectez à CoZo, vous obtenez pour Marie-Lynn – elle a maintenant neuf ans ! – une liste de plus de 408 documents. Et sur e-recipe, il y a encore plus de 250 prescriptions. Pour la moitié d'entre elles, il est simplement indiqué « préparation magistrale ». Cela n’est utile pour personne. Via une autre application, vous ne pouvez pas créer un lien parent-enfant. Mon médecin généraliste doit me donner accès, mais il ne sait pas comment faire. Un autre exemple ? Lors d'une des nombreuses hospitalisations, on m'a demandé de noter son historique médical. Je disposais de  trois lignes… »

« Je sais que je ne peux pas m'attendre à ce qu'un nouveau spécialiste prenne le temps de tout examiner lorsque nous nous rendons à une consultation avec Marie-Lynn. Mais lorsque je raconte notre histoire rapidement, nous avons déjà passé la demi-heure alors que la consultation est planifiée pour quinze minutes. De plus, il y a beaucoup d'erreurs dans le dossier médical. L'historique médical de Marie-Lynn est souvent copié-collé. Les informations erronées éventuelles sont simplement reprises. Le problème est qu'il y a trop de logiciels et que ces systèmes ne sont pas reliés entre eux. Nous devons créer des insights et travailler avec des couches de visualisation. Un anesthésiste doit pouvoir voir d'un coup d'œil les données qui sont cruciales pour lui. S'il n'y a que des métadonnées limitées, vous ne pouvez malheureusement pas filtrer. »

Quelles données partager ?

« Je comprends très bien que tout le monde ne soit pas en faveur du partage de toutes les données. Par exemple, votre dentiste n'a pas besoin de savoir que vous avez subi une opération de l'épaule. Nous devrions donc en tant que patients pouvoir choisir ce que nous partageons avec qui. Cependant, un patient peut parfois ne pas être en mesure d'évaluer ce qui est utile ou non à partager. Il s'agit donc de trouver un équilibre entre le partage standard des données avec possibilité de certaines restrictions. » poursuit Karlien.

« Aujourd'hui, je travaille en étroite collaboration avec une start-up norvégienne qui résume les données médicales via l'IA. Cela fonctionne très bien, mais au final, je télécharge des données sensibles. Suis-je 100% sûr qu’elle est  infaillible en termes de sécurité, de respect de la vie privée ou d'éthique ? Non, mais je souhaite tout de même utiliser leurs services. À cet égard, j'attends plus de notre gouvernement. Il est notamment regrettable que le gouvernement n'ait pas limité le nombre de fournisseurs de dossiers médicaux électroniques dans le passé. Car au final, ils doivent pouvoir communiquer entre eux… »

Du travail en perspective

« Que se passerait-il si ma fille se retrouvait demain aux urgences sans moi ? Il n'y a dans tout son dossier médical aucune synthèse indiquant exactement ce qu'elle a vécu. Je pense que nous pouvons encore faire de grands progrès avec l’IA, mais les questions juridiques et éthiques sont plus pertinentes que jamais. L'IA pourrait par exemple fournir une synthèse rapide des événements importants de son historique médical, ou un aperçu de sa médication. Mais que faire si ces informations ne sont pas complètes ou même en partie erronées ? Est-ce une raison de ne pas les utiliser, ou est-ce déjà mieux que de parcourir manuellement 408 documents PDF… »

« Aujourd'hui, Marie-Lynn se porte heureusement bien. Elle doit se rendre à l'hôpital toutes les six semaines pour une prise de sang, mais malgré son lourd passé médical, c'est une fille joyeuse et heureuse. »

Nexuzhealth a invité Karlien à la conférence nexuzhealth pour souligner l'importance d'un dossier patient informatisé central. Et que notre mission – rendre les soins numériques accessibles, efficaces et sûrs pour tous – est plus actuelle que jamais.