Des experts prennent la parole : comment améliorer les soins grâce à l’IA ?

L’intelligence artificielle (IA) est un sujet largement débattu, y compris dans le domaine des soins. Quel impact l’IA aura-t-elle sur ce secteur ? A quelles  opportunités et défis doit-on s'attendre ? Nous avons réuni cinq experts pour un débat captivant : Bart Van den Bosch (Directeur informatique, UZ Leuven), Karlien Hollanders (Patient-expert), Isabelle François (Directrice Innovation & Stratégie, Medvia), Bob Neven (Directeur Stratégie Produit, nexuzhealth) et David Clijsters (Architecte de solutions data, Cegeka).

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Karlien Hollanders (Patient-expert), Isabelle François (Directrice Innovation & Stratégie, Medvia), Bart Van den Bosch (Directeur informatique, UZ Leuven), David Clijsters (Architecte de solutions data, Cegeka) en Bob Neven (Directeur Stratégie Produit, nexuzhealth). 

Les défis dans le secteur des soins sont considérables. D’une part, nous faisons face à des ressources et un personnel limités, et d’autre part, au vieillissement de la population. L’IA est-elle la solution tant espérée ? Quel est son réel potentiel ?

Bob Neven (Directeur Stratégie Produit, nexuzhealth) : « L’intelligence artificielle aura un impact, dans un premier temps, sur l’efficacité. Nous serons en mesure d'effectuer de nombreuses tâches plus rapidement, ce qui laissera plus de temps au patient.. Les processus administratifs présentent de nombreuses opportunités faciles à exploiter. Par exemple, un dossier patient nécessite encore beaucoup d’entrées manuelles. Je vois des opportunités d’automatisation à ce niveau. De plus, nous pourrons offrir une meilleure aide à la décision grâce aux données disponibles, ce qui devrait, à terme, réduire le nombre de réadmissions. »
 
Bart Van den Bosch (Directeur informatique, UZ Leuven) : « Personnellement, j’attends beaucoup de soutien et de gains de productivité dans le domaine de la recherche. Il existe une quantité énorme d’articles médicaux. Perplexity (Perplexity AI est un moteur de recherche et de conversation alimenté par l’IA qui répond aux questions à l’aide de textes prédictifs en langage naturel) peut nous aider à les comprendre. D’un autre côté, il faut espérer  que l’arrivée de l’IA ne créera pas encore plus d’articles inutiles. Personne ne veut plus d’ébruitement. Si je zoome sur le dossier patient électronique centralisé (DPE) de nexuzhealth, je vois encore de nombreuses opportunités, comme la corrélation entre un résultat de laboratoire anormal et un rapport de radiologie ou une pathologie spécifique. C’est comme une sorte de super smart index. Il y a également un grand potentiel dans la reconnaissance d’images. Les images médicales s’améliorent, mais les radiologues ne parviennent plus à  tout analyser. L’IA, elle, ne se fatigue jamais. Ce collègue reste toujours frais ! »

Isabelle François (Directrice Innovation & Stratégie, Medvia) :
« Dans ma fonction, je pense immédiatement au financement de projets innovants. Nous recevons beaucoup de demandes de projets dans le domaine du diagnostic, de la reconnaissance d’images et de schémas dans certains parcours de soins. Peut-être que l’IA pourrait aider à déterminer le meilleur parcours de soins pour un patient ou contribuer au  développement de médicaments. Et certainement à rendre les rapports médicaux compréhensibles pour les patients. »
 

Quelles sont les conditions, les limites et les défis pour intégrer l’IA dans les systèmes de soins existants ?

David Clijsters (Architecte de solutions data, Cegeka) : « Je compare souvent l’IA à la préparation d’un bon repas. Vous avez besoin d’ingrédients (les données), d’une bonne cuisinière (unités de traitement graphique ou GPU) et d’une recette (algorithmes complexes, comme les modèles de langage avancés). Si ces éléments ne sont pas bons, le résultat sera forcément décevant. Cela signifie que nous devons examiner attentivement les données. N'y a-t-il pas de préjugés ? Il faut aussi instaurer la confiance et assurer la conformité. Nous travaillons en fin de compte avec des données sensibles, ce qui nécessite toujours une évaluation des risques. Par ailleurs, la transparence des données est cruciale. La confiance en l’IA s'acquiert pas à pas, avec des cas d’utilisation simples. »

Karlien Hollanders (Patient-expert) : « Selon moi, les défis résident surtout dans les corrélations. Que peut faire l’IA que nous ne pouvons pas ? Trouver des corrélations demande beaucoup de temps à un humain. Les patients atteints de maladies rares attendent en moyenne 4,7 ans pour obtenir un diagnostic. Si nous pouvons identifier plus rapidement que des patients présentant certaines anomalies sanguines sont également plus susceptibles de souffrir de X ou Y, nous ferons la différence. C'est là que se trouvent les opportunités, mais aussi les risques. Nous devons être absolument certains que les résultats sont  100 % corrects. »
 
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David Clijsters (Architecte de solutions data, Cegeka) en Bob Neven (Directeur Stratégie Produit, nexuzhealth) 

Bart Van den Bosch : « Ce que fait l’IA aujourd’hui, ce n’est rien d’autre que reconnaître des schémas. ChatGPT ou tout autre outil d’IA n’a à aucun moment conscience des résultats qu’il fournit. Une fois que l’IA pourra également raisonner logiquement, nous franchirons une étape significative. »

Karlien Hollanders : « Il est essentiel de garder un “humain dans la boucle”. Les corrélations doivent toujours être vérifiées, car elles peuvent être totalement erronées. L’IA est tellement puissante que nous, en tant qu’humains, ne pouvons plus tout contrôler. C’est un exercice d’équilibre : jusqu'où le cerveau humain peut-il l'appréhender et quelle liberté voulons-nous laisser à l'IA ? Nous devons préserver cet équilibre. »

Isabelle François :  « De nombreux cerveaux intelligents développent des solutions. Comment intégrer tout cela dans le système de santé existant ? Leur implémentation  relève en fait de la gestion du changement. Par ailleurs, il faut obtenir les financements nécessaires. Ce sera tout un défi de faire passer l’innovation dans les hôpitaux, les maisons de repos, les organisations de soins à domicile, etc. »

Bart Van den Bosch : “« Les données codées en dur sont meilleures que le texte pour former l’IA. De plus, une ingénierie juridique (le domaine qui allie connaissances juridiques et technologies pour améliorer, automatiser et digitaliser les processus et services juridiques) est également nécessaire. En même temps, nous devons veiller à ce que tout ne soit pas fait  aux États-Unis, en Chine ou en Inde, car nos réglementations seront trop strictes. »

Bob Neven:  « Nous suivons de près les réglementations à venir. Nous suivons également de près les évolutions et examinons comment collaborer avec des partenaires spécialisés. »
 
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Dirk Lembrechts, (Manager nexuzhealth School), Karlien Hollanders (Patient-expert) en Isabelle François (Directrice Innovation & Stratégie, Medvia)

Où voyez-vous arriver les premiers cas   de l’IA ? En quoi croyez-vous personnellement ?

Karlien Hollanders : « J’aimerais vraiment voir l’IA rédiger des rapports dans un langage compréhensible pour les patients. Ceux-ci pourraient être validés par le médecin traitant. »

Bart Van den Bosch : « Nous sommes tous assis sur des montagnes de données. Peut-être devrions-nous collaborer avec différents hôpitaux pour en tirer parti. Par exemple, suggérer des schémas ou interpréter des images pour le triage. »

Bob Neven : « Et il ne faut pas oublier les assistants numériques. Tout comme vousdemandez à Google le matin à quoi ressemble votrejournée, un assistant numérique dans le domaine des soins pourrait apporter une grande valeur ajoutée ! »
 
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Lors d’un débat passionnant sur l’IA dans le domaine des soins, différents points de vue ont émergé : l’IA peut alléger les charges administratives, reconnaître plus rapidement les schémas dans les données et améliorer le diagnostic. Les membres du panel ont présenté leur vision, soulignant l’importance de la transparence, de l’éthique et de la présence humaine dans l’utilisation de l’IA. Avec le bon équilibre entre technologie et supervision humaine, l’IA peut contribuer à un système de soins plus efficace et centré sur le patient.